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de mes rêves... à mes ailes...
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22 avril 2010

poussières de cendres

J'étouffe. J'ai du mal à bouger mes bras. Un poids pèse sur ma poitrine. Lentement je ramène mes mains vers moi. Je ne sais plus où je suis. Il fait nuit autour de moi. Au loin un bruit sourd me fait trembler : ça recommence ! Une peur panique m'envahit, j'ai envie de hurler. Je me mords la lèvre. Je dois me contenir et réfléchir. Que s'est-il donc passé ?
Un cri juste à côté de moi me fait sursauter.
- Au secours ! Il y a quelqu'un ? Oh ! répondez-moi !
J'ai envie de crier aussi, d'appeler moi aussi au secours. La voix se répète, on y sent derrière comme un sanglot pourtant c'est la voix d'un homme.
- Tu es où ? Je me secoue, j'essaye de me débarrasser de toute cette poussière qui me recouvre. J'ai l'impression d'avoir été roué de coups mais je dois être entier et n'avoir rien de cassé. Le reste est sans importance. Ohé ? Réponds-moi ! Tu es où mon gars ?
- Ici ! Putain que ça fait du bien d'entendre une voix humaine. Tu viens d'où, mec ?
- De nul part ! Je crois que j'ai été assommé. Continue à parler, j'arrive.
Du moins j'essaye de me déplacer. Je ne peux pas me mettre debout. Je dois ramper, me glisser avec angoisse entre deux pans de ce qui me semble être du béton. Un bout de ferraille me déchire le flanc. Je ne peux contenir un juron. Enfin ma main rentre en contact avec ce qui me semble un corps humain.
- ça y est je t'ai trouvé !
- Non mec, tu dois te planter. Mes mains explorent, un corps d'homme à moitié nu, un torse sur lequel je sens le contact poisseux du sang, un cou, un visage, une bouche qui me parle. Hé mec, pourquoi je ne t'ai pas senti avant ? Aide-moi à me dégager, j'ai les bras et les jambes coincés. Tu vas me sortir de là, hein mec ? Tu ne m'abandonnes pas, ok ?
- Non mon gars je ne te laisse pas, mais faut que je trouve une sortie et quelqu'un pour m'aider à enlever le béton qui te bloque, ok ? Après je reviens te chercher.
- NON ! Où es-tu ?
Ses cris résonnent. J'ai envie de me boucher les oreilles. Un autre corps. Pour celui-là plus rien à faire. La mémoire me revient. Un coup de massue ne me mettrait pas plus KO. Je suis au Liban, j'y suis seulement depuis hier. Je suis franchement maudit et en même temps, j'ai une chance de pendu. Je suis coincé, il n'y a pas d'issue. Je décide de retourner auprès du blessé. Ses cris sont moins forts, il s'épuise. J'ai peur qu'il ne survive pas longtemps. Mes doigts effleurent son visage baigné de larmes.
- C'est bon mon vieux, je suis là.
- Tu ne me quittes plus. Alors tu as trouvé ?
- Ouaip, j'ai pris contact avec ceux de dehors, ils se battent pour nous sortir de là. Il ne dit plus rien, cette fois c'est moi qui m'affole. Oh mec, réponds !
- Oui oui, je suis là. J'ai discerné un soupçon de joie dans sa voix. Tu te fais du soucis pour moi ?
- Bin oui. C'est con, hein ? Un abruti comme toi ou moi ça a la croûte dure pas vrai ? C'est quoi ton nom ?
La voix de Gaël devient de plus en plus faible. Quand il se taira, j'aurai l'impression d'avoir perdu une partie de moi-même. Je me mettrai alors à hurler. Je ne m'arrêterai que lorsque ma langue me semblera avoir gonflé à m'empêcher d'avaler ma salive qui a un goût de cendres et de sang. J'ai perdu la notion de temps, j'ai froid et maintenant j'ai peur moi aussi. Je n'ose pas bouger. Peur de rentrer en contact avec ces morts qui m'entourent qui maintenant me remplissent de terreur. J'essaye de me rasséréner tout seul mais plus j'essaye de me morigéner, plus d'autres visions, d'autres pensées apocalyptiques viennent peupler mon esprit. J'ai faim et soif. J'ai froid. Je grelotte. Roulé en boule j'essaie de dormir. Je me suis recouvert de poussière de cendres pour me tenir chaud, misérable couverture. Je suis devenu un animal qui se creuse un nid ridicule. Où est passé l'humain ? Je n'en suis plus un, plus qu'un paquet de nerfs que le moindre bruit, le plus léger, fait se redresser. Mais rien ou alors très très loin. J'étais au sous-sol. Et l'immeuble comportait au moins quatre étages. Quatre étages de béton à dégager avant qu'ils n'arrivent jusqu'à moi, s'ils ne décident pas d'abandonner avant.
Je délire. J'ouvre la bouche et aspire goulûment l'eau qui me coule sur le visage. Ce n'étais qu'un rêve et j'ai maintenant la bouche encore plus pâteuse de la poussière que je viens d'avaler. Je tousse, j'étouffe !
Je sens des mains se saisir de moi. J' ouvre les yeux.
- Les Lumières ! Éteignez les projos ! Ça va mon gars tu es sauvé !
Je souris. Je peux dormir même si je sais que je ne me réveillerai pas. Ils m'ont trouvé. Trop tard ! Quatre jours j'ai tenu quatre jours pour rien.
Je me rappelle ce que m'avait dit le curé au catéchisme : tu n'es que poussière et tu retourneras à la poussière !

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