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de mes rêves... à mes ailes...
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19 avril 2010

Papé le Yak 3

Le chaud soleil de juillet réchauffait ma vieille carcasse. Une famille de chats sauvages depuis quelques années faisait revivre mon vieux moteur par leurs doux ronronnements.

Je rêvais à mon ami qui m'avait abandonné là, fauché lui-même alors qu'il sortait à peine de l'enfance. Enfance qui au tout début de ma retraite venait souvent encore me hanter et me faisait revivre mon glorieux passé à travers ses jeux, puis d'hivers en hivers, les ronces possessivement exclusives, petit à petit m'avaient coupé du monde m'enfermant dans une bulle végétale où je pouvais me laisser aller sans craindre les regards critiques ou condescendants.

Cela faisait plusieurs jours que je les avais entendus arriver avec leurs grosses bottes et leurs bruyantes machines. Les animaux avaient fuit, je m'ennuyais, mon coeur se sentait seul sans leurs douces caresses et leur tendre et chaude présence.

Les épines des ronces crièrent en griffant la tôle emportant dans son ultime résistance contre sa dépossession le peu de peinture qui me restait.

- C'est bien lui, c'est bien celui de grand-père, regardez son immatriculation.

Les mains chaudes de l'humain glissant le long de mes flancs m'en rappelèrent d'autres trente ans plus tôt qui avant chaque départ m'inspectaient et me cajolaient. La voix plus douce avait les mêmes intonations chantantes si différentes de celles d'ici plus rauques. Ah ! que j'aurais voulu pouvoir lui répondre comme je répondais alors à mon jeune ami, en faisant chanter mon moteur.

- On finit de le dégager et on l'embarque. Tu verras mon vieux, je vais te rendre ta jeunesse et je suis sûre qu'on s'entendra bien toi et moi !

Lorsqu'elle s'adressait aux autres, sa voix changeait, moins douce, plus autoritaire.

Ils me passèrent des sangles sous le ventre, me soulevèrent pour me placer sur un énorme camion et le long voyage caché sous une bâche commença.

Plusieurs fois, des hommes curieux me découvraient et à chaque fois c'était le même ton admiratif qui me remplissait de bonheur.

Ma solitude avait pris fin, j'allais à nouveau exister, j'attendais maintenant que le drôle de petit bout d'homme avec sa  voix douce et aiguë tienne sa parole.

Et elle la tint !

Arrivé à destination, je fus débarqué et rentré dans un immense hangar où plusieurs de mes congénères se tenaient déjà. Ils étaient de races totalement inconnues pour moi, la plupart hauts perchés avec de longs nez et des airs d'oiseaux de proie, sauf un petit blanc qui me fit penser à un oiseau exotique avec sa double queue en V, ce fut lui d'ailleurs qui m'accueillit le plus chaleureusement.

Les humains se mirent alors en devoir de me désosser, de me nettoyer. Je découvris que l'humain qui m'appelait Papé, était une des femelles de leur espèce. Mais contrairement à celles qui venaient de temps en temps rejoindre mon ami disparu et s'étreindre avec lui à l'abri de mon aile, elle s'assit dans mon habitacle dès qu'ils eurent changé mon siège.

Puis ce fut le grand jour où, assise en mon sein , elle appuya sur le petit bouton et me rendit ma voix. Mon cri, mon feulement rauque et grave d'animal prisonnier ne demandant qu'à retourner là où il pourrait jouer à saute mouton avec les nuages. Autour de nous, les autres humains applaudissaient à tout rompre et elle se mit à pleurer. J'aurais voulu qu'elle ferme mon habitacle, pour je puisse la consoler en l'entourant comme une mère son enfant, mais ils n'avaient pas encore remplacé ma verrière envolée.

Un après-midi, ils me sortirent à l'extérieur du hangar. Plus d'un an avait passé. Ils m'avaient rendu ma splendeur d'antan, repeint mes ailes, dessiné sur mon nez les colimaçons noirs et blancs, mes belles cocardes bleues banches et rouges dont mon  jeune pilote étaient si fier, elles lui rappelaient son lointain pays.

- Allez Papé, montre-moi ce que tu sais faire !

Alors avec un plaisir commun, nous décollâmes. Elle avait les mains aussi légères et sûres que lui. Le Papé que j'étais, se sentit redevenu le jeune Yak à peine sorti des chaînes soviétiques confié à un fougueux jeune lieutenant français pour combattre les avions allemands.

Sa fille m'avait rendu une nouvelle jeunesse et pour cela dorénavant je lui vouais comme à son grand-père un amour et une dévotion sans faille.

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