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de mes rêves... à mes ailes...
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13 décembre 1999

bras cassé

_ « Allo Robert, je t'appelle pour ton fils.

_ « Pierre?

_ « Oui, bien sûr, tu en as un autre?

_ « Hum, va savoir! Bon, qu'est-ce qu'il a?

_ « Je suis à l'hôpital avec lui; je crois qu'il s'est cassé le bras.

_ « Bin oui; mais là, j'aurais du mal à venir, fais-lui pleins de câlins de ma part et dis-lui que je lui apporterai un cadeau lorsque je rentrerai.

_ « Je ne crois pas que ce soit ce dont il a envie là.

_ « Bon passe-le moi mais c'est tout ce que je peux faire présentement, je ne sais pas si vous êtes au courant mais je bosse?

_ « Allo Papa? »

Et voilà comment rédiger un rapport de mission lorsque dans votre tête tourne en boucle les pleurs de votre gamin qui dit avoir mal et qui vous réclame. En plus cela me renvoyait quelques années plustot, une fenêtre qui s'ouvre et... J'étais maudit franchement!

Penser au rapport d'abord! Prioritairement me concentrer sur ma feuille, et après au gamin, se tenant le bras, petit bout de quatre ans, le visage mouillé de larmes et disant entre deux sanglots, Papa, Papa...

Aaaaah ras le bol! Je n'y arriverais jamais!

Je ne sais pas comment je l'ai finis ce satané papier mais je réussis à le boucler. Par la suite, je me suis aperçu que j'avais oublié des choses, pas importantes mais tout de même et ça a du se sentir puisque après lecture j'ai eu droit à des commentaires, mais devais-je leur expliquer qu'au lieu d'écrire le nom de mon ailier gauche, j'avais failli écrire Pierre?

Toujours est-il que moins d'une demi-heure plus tard, j'étais dans l'entrée des urgences à demander où était mon fiston.

Et l 'infirmière de l'accueil m'accompagna elle-même jusqu'à lui. Influence de ma tenue de pilote? De mes beaux yeux bleus associé au fait que je venais de lui dire que non, je n'étais plus marié mais veuf et donc libre? Toujours est-il que avant de repartir, elle me dit au moins deux fois de venir la chercher elle si j'avais, si nous avions besoin de quoique ce soit. Je l'en ais bien sûr remerciée de mon plus beau sourire mais là présentement je n'avais plus besoin de rien, j'avais mon petit lutin blond dans les bras et plus rien ne comptait. Je m'assis sur le lit et le serrai contre moi.

_ « Jennifer où sont ses vêtements?

_ « Là mais ils m'ont demandé de ne pas le rhabiller.

_ « Qu'est-ce que c'est que ces histoires et mon autre puce où-est-elle?

_ « Une infirmière la emmenée jouer dans la salle de jeu. »

Je n'aimais pas ça du tout du tout. Pourquoi déshabiller intégralement ou presque un enfant pour un simple bras cassé.

_ « Tu sais papa le docteur il m'a même enlevé le slip lorsque j'ai été avec lui et il m'a demandé si tu étais zentil avec moi. »

Là, l'image d'un petit garçon de dix ans, un bras dans le plâtre que des médecins faisaient tourner devant eux le slip au genoux arriva en flash dans ma tête.

_ « Vite habille-toi, nous partons! »

Non mais, ce n'est pas vrai, j'hallucinais, ils imaginaient quoi? Que je pourrai moi? Maltraiter mes gamins. Ils allaient m'entendre!

J'enfilai son sweat superman à mon super héros de fils lorsque la porte s'ouvrit sur deux médecins et une infirmière.

_ « Bonjour monsieur vous êtes son père je pense.

_ « Et un père qui exige des excuses d'abord et des explications ensuite! Où est ma fille?

_ « Dans une autre chambre, nous...

_ « Jennifer allez la chercher de suite, nous partons!

_ « Désolé monsieur mais nous avons des questions à …

_ « Auxquelles je n'ai guère envie de répondre. Et je vous prie de croire que je me contiens pour ne pas vous dire ce que je pense de personnes comme vous. »

Je venais de finir de scratcher la dernière basket de Pierre lorsque Jennifer revint.

_ « L'infirmière ne veut pas me laisser l'emmener. » Là, ils dépassaient les bornes « Elle dit que je ne peux pas, n'étant pas sa mère!

_ « Elle est où? Et bien, moi, je suis SON père manquerait plus que je ne puisse moi aussi la récupérer.

_ « Monsieur s'il vous plaît? »

Je bousculai l'interne et suivis Jennifer. Ma puce pleurait à silencieusement sur un lit dans une chambre voisine, elle aussi presque totalement dévêtue. L'infirmière en me voyant arriver avec Pierre dans les bras ouvrit la bouche mais ne dit rien s'écartant devant moi. Faut-dire que je devais plutôt donner l'impression de quelqu'un qui va tout casser que d'un homme calme et prêt à venir lui faire des bisous.

_ « Où sont ses vêtements? »

Jennifer me les tendit. Je posai Pierre sur le lit et il serra comme moi sa soeur dans ses bras qui elle-même s'était mise debout et précipité à mon cou.

_ « Viens mon lapin, je t'habille et nous laissons ces dingues.

_ « Non monsieur d'abord vous répondrez à nos questions. »

Je ne regardai même pas l'interne qui m'avait suivi et se tenait dans l'encadrement de la porte. Tout en habillant Anne je sentai mes mains qui tremblaient. Était-ce, ce qu'avait ressenti mon père, dans la même situation que moi, dix-sept ans plus tôt, mais lui, me maltraitait réellement. Je dus faire un effort pour contenir la violence que je sentai monter en moi. C'était trop injuste, on me soupçonnai moi, alors que jamais, jamais, je ne les avais touchés et lui, dix-sept plus tôt on l'avait laissé partir sans soucis et qu'une fois arrivé à la maison, je m'étais bien sûr pris une rouste pour me punir de ne pas savoir tenir sur mes jambes et de l'avoir mis dans l'embarras.

_ « Monsieur vos enfants sont enfants sont trop petits et trop légers par rapport à la courbe de poids normale. Et vous voyant...

_ « Et me voyant vous savez comment j'étais enfant? Sachez alors qu'à quatorze ans je mesurai un mètre trente-huit. Et un an plus tard un mètre soixante-huit et deux ans plus tard pratiquement ma aille actuelle. Alors mettez vos maudites courbes où vous voulez, moi, je m'en vais avec mes enfants!  Laissez-moi passer! »

Je les dominai tous d'une bonne tête et cela aussi emmena en moi ce souvenir d'enfant, d'avoir eu la sensation de dominer ces médecins qui m'avaient humilié en me déshabillant ainsi sans explications (bon en fait j'avais très bien compris et je tremblais surtout d'être enlevé à ma famille, qui même si j'y étais frappé, était la mienne et que je ne voulais en aucun cas quitter! Du moins à cet âge!) du haut des bras de mon père ce géant qui d'habitude m'effrayait et qui se présentais là, à cet instant précis comme mon protecteur, mon sauveur, me tenant serré contre son torse entre ses bras. Et c'est la seule fois aussi qu'en plongeant mon regard dans le sien, je crois bien avoir vu autre chose que des reproches.

Les médecins s'écartèrent et j'allai directement au combi où j'attachai les deux puces. Jennifer quelques minutes plus tard en arrivant après avoir récupéré le carnet de santé des Pierre, me trouva à genoux, serrant mon petit bonhomme qui me racontait sa chute du lit superposé. Je m'en voulais, pourquoi avais-je acheté ces maudits lits? Pour leur faire plaisir. Pourtant j'y avais pensé qu'ils risquaient de se faire mal qu'ils étaient trop jeunes. Bref, je culpabilisai. Il était treize heures. Je devais retourner à la base, mais avant je leur offris un repas au fastfood voisin. J'avais besoin comme eux de me remettre de mes émotions.

_ « Robert pourquoi semblais-tu si bouleversé en dehors du fait de voir tes enfants pleurer. »

Sans tourner le visage vers elle, j'observai Jennifer. Devais-je lui raconter mon passé, mon enfance?  Elle savait que Richard n'était pas mon père et que j'avais décidé de considérer Gisou comme ma mère depuis un certain tesson de verre.

_ « Et bien, parce que pendant quelques secondes je me suis sentis à la place de mon père... »

Et je lui racontai tout: les coups, la dureté, la violence de mon père, et enfin ce bras cassé à mes dix ans à cause d'un obstacle de course de haies positionné à l'envers. Et sans m'en apercevoir je lui confiais aussi ce que j'avais ressenti un après-midi d'octobre lorsque Richard pour calmer mes pleurs avait refermé ses bras autour de moi en rase campagne, et où j'avais à nouveau ressenti cette impression de sécurité, de protection paternelle fugitivement découverte par un petit garçon, quatre ans plus tôt.

Le dernier mot dit, je restai quelques secondes silencieux puis après avoir embrassé mes deux poussins en train de jouer, je retournai au travail en moto géné par les larmes qui m'aveuglaient. Et là-bas personne ne compris pourquoi j'étais si pressé d'aller sous la douche.

 

 

 

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