la fin
La douleur est là, elle m'assomme et me brûle. Pourtant je n'ai pas
envie de pleurer peut-être de hurler, de crier ma rage, mon malheur.
Je serre les poings mais aucun son ne sort. Pourquoi? J'aurais voulu
la voir heureuse, lui apporter un peu de bonheur. Mais non, non
seulement de la désillusion. Je lui ai menti autant qu'à moi. J'ai
rêvé et ça fait mal de rêver lorsque ce rêve ne se réalise pas.
Je regarde le pain et le fromage qu'elle me tend, je n'ai pas faim,
je secoue la tête et lui souris. Je l'aime mais je n'ai pas faim,
plus faim. Le bonheur ouvre l'appétit, le malheur vous resserre les
boyaux, vous empêche d'avaler quoique ce soit comme s'il voulait que
la vie s'arrête. Implacable il vous broie dans ses griffes. Le
bonheur et tellement sournois, tellement fugitif.
Mes yeux fixe un mur jaune où la peinture non refaite depuis
longtemps commence à s'écailler. J'ai froid et pourtant il fait
chaud. Je vais devoir le lui dire, lui avouer, lui détruire ses
rêves. J'ai mal et cette douleur est froide et me glace. Je l'aime,
je me répugne à lui faire mal pourtant il me faudra prendre ce courage.
En fait dès le début je le savais mais je voulais encore y croire
même si c'était une folie.
Elle a fini de manger, je la regarde tout ranger dans le sac, secouer
les mies de pain et de gâteau pour les oiseaux qui déjà s'approchent.
Elle s'assoit à côté de moi, me sourit. Je n'arrive plus à faire
semblant.
Hier encore on en a parlé et elle me disait ses espoirs son envie de
continuer, son envie d'aller plus loin. Oui mais voilà, comment, je
ne sais pas, je ne sais plus. Je n'ai pas la force, je serre les
poings et baisse les yeux. Son regard me blesse. Sa main s'est posé
sur la mienne puis s'est éloignée.
_"Allez viens, on s'en va, on rentre, j'ai compris, c'est fini. Ce
n'est pas grave tu sais, c'est ça aussi la vie."
Elle a pris le sac avec les restes du pique nique et s'éloigne déjà.
Je la suis, les épaules voûtées sous le poids de ma honte. Désolé,
mais peut-être est-ce mieux ainsi, si cela nous évite des larmes et
des mots sans valeur.
Helene des Landes